Dans le cadre du programme Erasmus+, Allban Fegar, étudiant en DNSEP Design des communs, est parti en mobilité étudiante à la Burg Giebichenstein Kunsthochschule à Halle (Allemagne) pendant un semestre. Revenu en France en juillet 2021, il nous raconte son expérience.

Bonjour Allban,
Peux-tu nous raconter quelles ont été tes motivations pour partir en mobilité ?

J’ai toujours aimé voyager pour découvrir des paysages différents, d’autres cultures, d’autres façons de penser. J’ai décidé de partir en mobilité internationale pour mon 2e semestre de ma 4e année pour développer ma pratique du design dans un autre pays. J’ai donc consulté la liste des écoles partenaires de mon école. Pour faire mon choix de destination, je me suis focalisé sur une école à découvrir plutôt qu’un pays. C’est alors que j’ai découvert l’école Burg Giebichenstein à Halle en Allemagne. Ce pays a joué un rôle majeur dans l’histoire du design industriel pendant la période du Bauhaus. Mais pour être honnête, je n’avais jamais entendu parler de cette ville. Je n’avais pas non plus de réelles connaissances de la culture allemande. Je voulais découvrir cette vision du design et ce pays avec un regard neuf.

Comment as-tu préparé ton séjour ?

J’ai pris rendez-vous avec la responsable des relations internationales de mon école, Marion Quintin, pour préparer cet échange. Pour faire ma demande auprès de l’école d’accueil, j’ai dû envoyer mon portfolio et une lettre de motivation afin d’être sélectionné. Un mois plus tard, je suis accepté ! Avec Marion Quintin, nous avons rempli mon contrat d’apprentissage qui consiste à sélectionner les cours que je veux suivre dans mon école d’origine ainsi que dans mon école d’accueil. Ce document a été ajusté après l’apparition d’autres propositions de cours dans mon école d’accueil avant le début du semestre. Des deux côtés, les responsables internationaux étaient très réactifs. J’ai pu avoir des bourses permettant de financer mon échange notamment la bourse Erasmus+ et Mobicentre permise par la Région Centre-Val de Loire. Sans elles, je ne pense pas que cet échange aurait pu être envisageable. J’ai également reçu une bourse de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse. Tout était prêt pour le départ.

Comment s’est déroulée ton arrivée à Halle ?

Avec la crise sanitaire du Covid, je craignais que cet échange soit annulé. À tout moment, les deux pays auraient pu fermer leurs frontières. Par chance, cela n’est pas arrivé, mais je devais tout de même effectuer une quarantaine en dehors de mon dortoir étudiant. Je me suis mis en relation avec deux étudiantes françaises (M.F et P.K) de l’école de design de Saint-Etienne partant pour le même échange que moi. Nous avions planifié de faire notre quarantaine ensemble dans un Airbnb. Nous sommes arrivés tous les trois en voitures à Halle. Notre première découverte a été les autoroutes sans limitation de vitesse qui sont très déstabilisantes. Les jours en quarantaines ont été très agréables mais nous n’avions pas l’impression d’être en Allemagne, car nous ne pouvions pas sortir. Une fois sortis avec un test négatif, nous avons pu rejoindre notre dortoir étudiant et découvrir notre école. Avec notre Buddy Program, nous avons fait le tour du campus de design industriel Neuwerk ainsi que du campus Art se trouvant à 10 minutes à pied. Malheureusement, la semaine d’accueil des étudiants internationaux n’a pas pu être organisée avec le covid.

Comment as-tu trouvé ton logement ?

J’ai trouvé mon logement grâce à mon école d’accueil avant mon départ. Cela a été facilité par un formulaire en ligne sur internet. J’habitais au dortoir Felsenstraße. Il se trouve entre le campus de design industriel et le campus d’art. Il y a beaucoup de résidences universitaires en Allemagne. Le loyer était d’environ 230 € CC par mois pour un meublé de 17m2. On peut facilement trouver des colocations à Halle pour le même prix. Cependant, j’ai préféré vivre en chambre universitaire pour faire des rencontres si la situation sanitaire s’empirait. Le dortoir n’est pas très joli, mais il est très fonctionnel et j’ai pu y faire des rencontres formidables. La rivière se trouve à 10 minutes à pied et le parc derrière le dortoir surplombe la ville.

Qu-as tu pensé de la ville de Halle ?

La ville de Halle est très jolie. Elle n’a pas été bombardée pendant la 2e guerre mondiale. On y retrouve des styles architecturaux anciens très différents et intéressants. La place du marché est le cœur historique de la ville. On y retrouve la Tour Rouge qui surplombe la ville. C’est une ville moyenne assez tranquille qui contient le plus d’espace vert d’Allemagne. La rivière Saale et les nombreux parcs en font une ville agréable en été.
C’est une ville à échelle humaine. Tout est faisable à pied ou en tram, mais il est préférable d’avoir un vélo. En effet, les trajets en tram sont plus lents que le vélo, car pour un trajet, nous sommes obligées de passer par la place du marché pour la plupart des déplacements. De plus, le vélo est pratique pour se rendre aux événements et aux fêtes dans les forêts. Avec notre carte étudiante, les transports sont gratuits dans le Land. On peut aussi aller à Leipzig gratuitement qui se trouve à 30 minutes. Pour avoir cette carte étudiante, j’ai dû payer 231,40€ à l’école d’accueil. Cela parait beaucoup, mais le prix est vite rentabilisé. Pour ce qui est des musées, elle n’est pas trop attractive. Mais il faut aller faire un tour au Musée national de la préhistoire de Halle qui est formidable. Le prix de la vie est très abordable en général, que ce soit au niveau des loyers, des courses ou des sorties. Cependant, du point de vue culinaire, les spécialités de la région ne m’ont pas marqué. La vie en Allemagne en général est très agréable. Les habitants respectent les règles et sont très polis. À aucun moment, je n’ai eu de problème de racisme ou autres formes d’agressivité. Ils ne sont pas individualistes mais plutôt curieux et généreux. J’ai aussi régulièrement voyagé jusqu’à Leipzig et Berlin. Berlin ne se trouve qu’à 1h30 de train de Halle. C’est une ville formidable où la culture des squats m’a bluffé.

Comment était ton école ?

Le système d’école en Allemagne est très différent de celui en France. Les étudiants sont généralement plus âgées et plus autonomes. Parmi les 2000 étudiants de la section Design et Art de la ville, j’étais dans le campus Neuwerk. Il se trouve à 10mins du centre-ville, et est très équipé. Il y a de grands espaces de travail, de nombreux ateliers (métal, bois, céramique, textile, print, plastique, numérique) équipées de machines d’exceptions, une cantine, un bar/café. La bibliothèque de l’école de F29 Architectes GmbH et Zila a gagné un German Design Award. L’école est ouverte 24h/24 tous les jours de l’année même les jours férié. C’est une école dynamique qui appartient aux étudiants. Avec le covid, la vie étudiante était tout de même présente. Les salles de classes étaient des lieux de vie, la nuit, les soirées de l’école étaient mémorables. Mes cours étaient un mélange d’anglais et d’allemands. Les cours théoriques étaient à distance et en allemand ce qui n’était pas le plus facile mais grâce à la traduction en direct, cela allait pour les suivre. Mon projet principal lui était en anglais majoritairement. Les professeures étaient très dynamiques et enthousiastes. Je ne regrette pas d’avoir choisi cette école qui possède le cadre idéal pour développer ma pratique. La seule chose frustrante était de ne pas être capable de lire les livres à la bibliothèque écrits en allemands. Les cours d’allemand étaient uniquement en ligne, mais nous nous réunissons entre élèves pour pratiquer. J’avais 1h30 par semaine. N’ayant jamais appris l’allemand avant, ils m’ont permis d’avoir les bases, mais je dois avouer que j’ai progressé plus avec mes amis allemands qu’en cours.

Quel(s) projet(s) as-tu développé sur place ?

Mon projet principal à l’école était autour de la Grauzone. Il consistait à travailler sur la notion de zone grise, ou plutôt zone de flou dans l’imaginaire collectif. L’intervention d’un designer pourrait être le médiateur de cette zone qu’il s’agisse de lieux douteux, de situations spatiales instables ou d’actions limites, de règles discutables, de transgression de tabous, de commandements diffus, etc. Ma zone grise concernait les objets et matériaux déposés librement dans la rue pour encourager la seconde main, pratique courante en Allemagne. J’y ai trouvé de tout : un four et une machine à coudre (en état de marche), des meubles divers, etc. J’ai parcouru la ville pendant de nombreuses heures et journées à la recherche de ces objets. S’ils ne sont pas utilisés, ils peuvent être remis en état et devenir des éléments pour construire le monde commun. Avec l’attitude du Wild Designer, je les réutilise pour créer des installations qui améliorent l’espace public. Avec des outils simples, j’assemble, attache, accroche ce que je trouve dans la rue pour créer des améliorations. Ensuite, je diffuse mon travail et mon attitude à travers un flyer déposé in-situ ainsi que sur Instagram. Je souhaite catalyser le potentiel créatif des habitants et promouvoir la souveraineté des outils afin de permettre une liberté d’action dans la création de la vie sociale. Le Wild Designer réveille le travail en stigmergie afin de retrouver un sens de la responsabilité et un attachement au monde.

Que retiens-tu de ton expérience en mobilité ?

Mon séjour en Allemagne m’a beaucoup apporté. Tout d’abord, vivre dans un autre pays sans parler la langue était très intéressant. Je ne l’ai pas vu comme une difficulté, mais comme un challenge : être capable de communiquer avec les autres en anglais ou en allemand. Je me suis beaucoup amélioré en anglais au point d’être capable de faire disparaître la barrière de la langue. J’ai eu la chance d’avoir accès à une école d’exception avec le cadre de vie qui va avec. J’ai vécu mon échange à 100 à l’heure en profitant de chaque chose et de chaque découverte. L’inconnu ne m’a pas fait peur car j’étais prêt à vivre cette expérience. Cependant, j’étais loin d’imaginer découvrir autant de choses et de faire autant de belles rencontres. Je n’imagine pas ne pas revenir en Allemagne un jour. J’aimerais y travailler pendant quelques temps après mon diplôme. Je conseille de réaliser un échange international à tout le monde à condition de se sentir prêt à venir chercher ces expériences et ces moments de vie.

Merci Allban pour ce témoignage, nous te souhaitons le meilleur pour la suite !

Photos : Allban Fegar