« Le premier jour du reste de votre vie » (Octobre 1980).
Jean Baudrillard, Cool Memories.
Mi-mars 2020. « En raison de la pandémie du Covid-19, l’École Supérieure d’Art et de Design d’Orléans est fermée aux étudiant.e.s et au public à compter du lundi 16 mars 2020 pour une durée inconnue. »[1] Mi-juin 2020, les diplômes de fin de 5e année se déroulent sur dossier artistique, comme l’on dit. Trois mois de préparation à distance. Les diplômes sont PDF, Spark, Skype, Zoom, Classroom, Meet, WhatsApp, autrement dit Adobe, Microsoft, Google, Facebook. Tâches difficiles pour les étudiant.e.s comme pour les enseignant.e.s car, apparemment, il n’y avait rien à voir à part des documents partagés, des vidéos et des visios.
Le 23 juin, les résultats sont proclamés. Les projets des étudiant.e.s sont là, conséquents, pensés, argumentés. Mais il manque quelque chose. L’ÉSAD Orléans est une école d’art et de design. Après le confinement, nous avons ressenti un besoin d’air, de créer un appel d’œuvres. Après une première exposition en septembre 2020 à la Galerie de l’ÉSAD, les jeunes designers déconfinent une nouvelle fois leurs travaux au sein de la Verrière des Tanneries – Centre d’art contemporain d’Amilly. Des travaux qui sont marqués par l’époque, c’est-à-dire par les réseaux, les machines informatiques et les enjeux de la transition écologique.
Saisissant le jeu qui s’établit aujourd’hui entre l’espace tangible et les réseaux, entre les formes et les machines, entre la production et les questions environnementales, les designers fraîchement diplômés réaffirment le besoin de penser la place de l’humain, de son corps, de sa parole, de ses écrits, de ses pensées et de ses objets.
Face aux défis que présente un monde en mutation, certains regards se posent sur la coopération humain/machine (Jessy Asselineau), génèrent des objets en céramique contextualisés (Léa Fernandes) tout comme des tentatives de création de contenus communicationnels différenciés à l’heure d’Instagram (Antoine Souvent) ou encore se traduisent par la « dataïfication » des images des réseaux sociaux afin qu’elles puissent aussi devenir un matériau appropriable par des domaines non-commerciaux tels que celui de la recherche (Basile Jesset). D’autres regards interrogent quant à eux le rapport de l’écriture à l’oralité (Théo Bonnet) ou nos manières de communiquer à travers l’image (Lucie Laval). Parallèlement, d’autres encore réaffirment le besoin de prendre soin, prêtant attention au regard que les enfants posent sur leur propre ville (Chloé Lesseur) ou suscitant une nouvelle forme d’exploration de notre corps au contact d’un vêtement modulable et sensoriel (Natacha Varez Herblot).
À l’image de l’École Supérieure d’Art et de Design d’Orléans, les diplômé.e.s 2020 sont ainsi mobilisé.e.s par l’époque, animé.e.s par un désir d’agir, sinon, déjà, de comprendre.
Emmanuel Guez, novembre 2020