Design des objets dans l’espace connecté et sculpture des données

Le programme de recherche questionne, par l’art et le design, la nature des objets dans les espaces connectés, en commençant par nos propres existences. Le point de départ du programme est que ces dernières, de l’amour à la mort, sont désormais définies par les données captées par nos objets connectés, générées par nos usages en réseau et archivées dans les bases de données. 

Le programme interroge la donnée comme un matériau dont le designer peut s’emparer afin de produire des formes singulières. Alors que le design des données consiste souvent à les rendre intelligibles, par exemple, sous la forme de visualisations, la sculpture des données tente de comprendre comment elles sont susceptibles de former et d’informer un objet en s’incarnant dans la matière de façon critique, politique et poétique. 

Ainsi, La forme suit l’origine propose des carafes matérialisant leur propre géographie, de l’origine de la matière première jusqu’au lieu de la fabrication de l’objet. Les bambous de Bary représentent les scores attribués aux citoyens chinois dans le système de notation gouvernemental baptisé “Social Credit System”. Le poids des modules de cire composant Scrolling CO2 est égal au poids moyen de dioxyde de carbone émis dans l’atmosphère par une minute de consommation d’écran. καιρός inscrit le temps de manière paramétrique par l’infiltration de l’eau dans la matière. Enfin, les paysages à la surface de DATA_vessel sont générées par les données personnelles d’un défunt.

Ces projets, initiés en amont par les membres de l’équipe, ont été déposés au sein du creuset commun du programme. Ils ont ainsi été développés collectivement, actualisés et documentés pendant le workshop. Un travail réflexif, à partir de cette documentation, a été mené en partenariat avec Pauline Gourlet, designer invitée, et le collectif L’Atelier des chercheurs, en vue de faire émerger des intentions et des postures de recherche.

Par les processus collectifs engagés, le groupe bouscule certains paradigmes de la création (le droit d’auteur, la propriété intellectuelle), engage des formes d’organisation et de coopération singulières, génère de la réversibilité et des réappropriations, revendique des solidarités et des réciprocités. Par la coexistence et la prise en compte réciproque des savoirs et des pratiques, le programme réinterroge la production sociale par l’art et le design.  

Avec : Boris Adamczyk, Anouck Augat, Agathe Baudin, Marlène Bertoux, Antoine Blouin,  Olivier Bouton-Blaise, Fabien Cadène, Stéphane Détrez, Margot Dreux, Clémence Dupont Brunet, Salma Essid, Léa Fernandes, Sylvia Fredriksson, Emmanuel Hugnot, Madi Kassay, Camille Legriffon, Luiz Gustavo Machado de Carvalho, Cassandre Maret, Thérèse Nalin, Virginie Péchard, Maëlle Pires, Amélie Samson, Manon Souchet, Eva Vedel, Caroline Zahnd, Marek Zarolinski.

Partenaires

FRAC Centre-Val de Loire
La Labomedia
Le 108

Oeuvres et projets

BIOTHING (Alisa Andrasek)

Mesonic Fabrics, 2007-2009

Méson, n :
_toute particule subatomique participant à de fortes interactions
_intervalle
_médium

Le principe de Mesonic Fabrics permet de générer des structures aux formes fluides et perméables à l’environnement. Pour son concept de « tissus mésoniques », BIOTHING explore des états algorithmiques intermédiaires grâce au transcodage de trois algorithmes différents : Le champ électromagnétique conçu via le plug-in Flower Power – créé par BIOTHING pour le logiciel Rhino – a été utilisé au départ pour l’élaboration de trajectoires structurelles pour la configuration de toitures. Un système résonnant a ensuite été imprimé au sol, créant des émetteurs pour l’exécution du second algorithme, et enfin les données des ondes ont été traitées par le logiciel Cellular Automata de Classe 4 pour reproduire les micro-articulations du sol. Une étude a ainsi mis en évidence des distorsions dans la nature de la structure. Cet effet, amplifié par le comportement de l’Automate Cellulaire fait glisser la structure d’états géométriques rigides aux caractéristiques bien distinctes vers d’autres états plus organiques. Avec leur allure de dentelle, de corail ou de coquillage, les maquettes de BIOTHING (réalisées par stéréolithographie) se donnent ainsi comme des organismes vivants, se fondant à l’écorce terrestre.

Bary

Data sculpture spéculative

Emmanuel Hugnot, Anouk Augat.
Avec Stéphane Détrez, Madi Kassay.

Le gouvernement chinois a mis en place un “système national de réputation des citoyens et entreprises, inspiré de l’évaluation des risques-clients américain”, baptisé Social Credit System qui repose sur des “outils de surveillance globale et de surveillance de masse, et utilise les technologies d’analyse du big data” (Vidéo-surveillance, reconnaissance faciale). 

À Pékin, seuls les citoyens ayant une note supérieure à un certain seuil ont accès aux parcs publics. Dans la fiction du projet, les scores sont matérialisées par la hauteur des barreaux en bambou d’une clôture entourant un parc. Ainsi les scores les plus bas permettent un enjambement de la barrière inversant les conséquences du système sur les individus.

La forme suit l’origine

Méta-objets critiques

Léa Fernandes, Agathe Baudin, Fabien Cadène, Luiz Gustavo Machado de Carvalho.
Avec Stéphane Détrez, Virginie Péchard, Marek Zarolinski.

L’accumulation d’objets, le fractionnement des savoirs et l’allongement de la chaîne de fabrication font que les objets existent, sans que personne ne sache comment ils sont produits. La forme suit l’origine est une série de carafes manifestes. Un programme informatique déforme un modèle dessiné en 3D en fonction de paramètres issus de données propres à des carafes déjà existantes sur le marché. Il matérialise leur géographie, de l’origine de la matière première jusqu’au lieu de la fabrication pour créer un nouvel objet dont la forme suit l’origine et non plus la fonction. L’usage de l’objet est directement influencé par cette forme. En effet, le versement de l’eau est plus laborieux avec une carafe ayant une forte empreinte carbone, qu’avec une autre plus vertueuse. 

Projet accompagné par La Labomedia

Scrolling CO2

Data sculpture critique

Antoine Blouin, Margot Dreux, Salma Essid, Thérèse Nalin, Maëlle Pires.
Avec Stéphane Détrez, Madi Kassay, Camille Legriffon, Virginie Péchard.

Scrolling CO2 découle d’une recherche sur « l’équilibre attentionnel ». Sensible à la question écologique « attentionnelle », liée à la question du bien-être, et « environnementale », liée à la question des émissions de CO2 par l’utilisation des écrans de téléphones, ce projet vise à donner une représentation physique et sensorielle à un phénomène non visible. Le dispositif se propage dans l’espace par une logique combinatoire et organisée, invasive et multidirectionnelle, inspirée de la forme de la molécule de carbone. Cette composition modulaire exprime la masse volumique de notre consommation de temps d’écran. Une minute passée sur un téléphone produit 57 grammes de CO2 dans l’atmosphère. Un Français passe en moyenne 600 minutes par semaine sur son portable, soit 10 heures. Le dispositif a été pensé en cire de synthèse pour qu’il n’y ait aucune perte de matière.

καιρός

Data sculpture poétique

Amélie Samson, Manon Souchet, Eva Vedel.
Avec Stéphane Détrez, Madi Kassay, Virginie Péchard, Marek Zarolinski.

L’époque moderne nous a rendu esclaves de l’heure, et l’on s’épuise à courir après un temps qui doit être mesuré, chiffré, calculé, fragmenté. Pourrait-on revenir à une mesure plus souple, grâce à un objet qui nous encouragerait à vivre dans un temps non-fractionné en le représentant de manière diffuse ?

καιρός est un objet contemplatif en perpétuelle métamorphose qui nous “donne le temps” et nous encourage à ralentir. La perte de contrôle y est omniprésente, aussi bien dans son usage que dans ses processus de fabrication.

Le temps qui passe y est matérialisé par un changement d’état lent et progressif. Peu à peu, l’eau se propage par capillarité dans la matière poreuse, modifie au fil du temps sa couleur et révèle un dessin.

Ce dessin s’inspire des paysages générés par des fluides dans la nature. Il est créé numériquement, grâce à un programme informatique incluant le hasard. Fascinés par le tracé de l’algorithme qui prend vie et dessine un paysage, nous sommes invités à prendre notre temps.

Projet accompagné par La Labomedia

DATA_vessel

Hyper-objet funéraire

Olivier Bouton, Caroline Zahnd.

DATA_vessel est une urne funéraire, à la fois sépulture, rituel et lieu de commémoration. Sa forme unique est déterminée par des données propres au défunt. Il est composé de 3 éléments:
– Un oya imprimé en céramique microporeuse.
– Une urne imprimée dans un matériau biosourcé et biodégradable. 
– Une pierre tombale mise en forme par fraisage numérique.

Lors de la crémation les cendres sont recueillies dans l’urne qui est alors associée à l’oya puis inhumée. La pierre tombale circulaire est assemblée sur sol à la partie enterrée. Un arbre est planté. L’oya est rempli d’eau pour irriguer l’arbrisseau. L’urne, biodégradable, se dissout progressivement par l’action de l’humidité. Les cendres se mélangent à la terre et l’arbre déploie ses racines autour de l’oya dans l’humus inséminé des cendres. Le processus biologique se fait symbolique. 

Les sépultures seront implantées sur des terrains dédiés. Les arbres endémiques qui y seront plantés seront protégés par leur dimension commémorative. L’espace funéraire deviendra un espace du renouveau pour le vivant. On aboutira à des “micro-forêts” à la fois sanctuaires de la mémoire et du végétal. Se souvenir des morts et faire conservatoire du vivant.

Le projet sera poursuivi et développé collectivement par l’équipe du programme de recherche à partir de novembre 2020.

Documentation

Collectif

L’ensemble des étapes et traces qui composent chaque démarche, prises de notes, tests, conversations, photographies, enregistrements, sont saisis comme autant de matériaux. Réinvestis, réagencés et éditorialisés, ces matériaux constituent une documentation qui rend possible la consolidation des savoirs. Par ailleurs, ils traduisent des intentions plurielles et révèlent des postures en design qui sont autant de facettes d’un potentiel transformatif.

Le travail de réinvestissement de la documentation a été mené avec l’outil en ligne Corpora du collectif L’Atelier des chercheurs qui en a offert une instance au programme de recherche dès le début du workshop.

Sylvia Frediksson, Pauline Gourlet (L’Atelier des chercheurs), Cassandre Maret, Anouk Augat, Agathe Baudin, Antoine Blouin, Fabien Cadène, Margot Dreux, Salma Essid, Léa Fernandes, Emmanuel Hugnot, Luiz Gustavo Machado de Carvalho, Thérèse Nalin, Maëlle Pires, Amélie Samson, Manon Souchet, Eva Vedel.


Exposition ouverte au public du 22 octobre au 10 décembre 2020 du lundi au vendredi de 11h à 19h (hors période de vacances scolaires) dans la galerie de l’ÉSAD Orléans.

Suite aux mesures gouvernementales, l’exposition n’est plus visible in situ à partir du 30 octobre et jusqu’à nouvel ordre.